Communiqué de presse
Petit retour sur les épisodes précédents
– En pleine canicule estivale, des Loossois riverains du lycée se sont émus de premiers abattages d’arbres qui annonçaient le début des travaux de réhabilitation du pôle enseignement au sein du Parc Saint-Vincent. L’abattage des arbres a alors été arrêté provisoirement. Il est censé reprendre à l’automne avec le démarrage des travaux du futur pôle résidentiel qui créera 404 logements (social, accession à la propriété, résidence sénior, résidence étudiante, crèche…).
– Cette émotion est intervenue bien après l’expiration des délais de recours judiciaires et administratifs autorisés par la loi en cas d’opposition à un projet d’aménagement. Cette émotion a pourtant continué de croître.
– En effet, jamais la crise du climat n’a été aussi perceptible qu’en cet été 2018, jamais il n’a semblé aussi absurde de laisser abattre 79 arbres adultes et sains, partie d’un parc arboré urbain patrimonial, sans tenter de les défendre.
– Il s’agit pour les habitants mobilisés au sein d’un collectif qui s’est appelé « Nature en vrille à Loos » de tenter l’impossible : faire évoluer ce projet en créant une prise de conscience avec le lancement d’une pétition, une action symbolique d’adoption des arbres à abattre, des courriers d’interpellation aux porteurs du projet, à la Mairie de Loos, à l’Evéché, à la DREAL…
– Une rencontre en mairie, ce 12 septembre dernier, a permis aux différentes parties de ce dossier de se parler. Pour autant, aucune évolution n’a pu être envisagée.
– Le Lycée Saint-Vincent avec l’aménageur Proxity ont défendu les qualités sociales, intergénérationnelles, éducatives, architecturales et même urbaines d’un projet complexe. Or selon eux, son équilibre financier pourrait être remis en cause s’il fallait aujourd’hui encore revoir son schéma d’implantation et donc ses délais de réalisation.
– Un choix d’implantation qui préserve les clairières et qui détruit consciencieusement les groupements d’arbres, voilà justement ce qui est contesté ! Voilà ce qui mérite d’être discuté aux yeux du collectif.
– En effet, la parcelle du pôle résidentiel (3,5 hectares) est divisible en deux parties. Sur un tiers de cette parcelle constructible, est conservé un coeur boisé d’un hectare avec environ 300 arbres. Mais en plus de ce coeur boisé, il y a 120 arbres adultes (certains centenaires) sur les deux autres tiers de cette parcelle en petits regroupements ou en arbres isolés. Les choix d’implantation des futurs immeubles conduisent à en abattre 79 sur ces 120 et à préserver les clairières au sein desquelles il est prévu de planter demain ! C’est quasi un raisonnement par l’absurde.
– Ce qu’affirme également le Collectif, c’est que la valeur de ces 79 arbres n’a absolumenet pas été comprise puisqu’elle est considérée sans importance au regard des autres réalisations du projet.
– Le Collectif souligne enfin que ce projet n’a pas bénéficié d’une étude d’impact. Il en a été dispensé par la DREAL (Direction Régioanle de l’Environnement) à la lecture d’un dossier que lui a présenté le promoteur. Ce dossier ne reconnaissait pas d’impact sur la biodiversité, ne produisait pas d’inventaire faunistique et enfin n’annonçait pas le nombre d’arbres à abattre pas plus que le nombre d’arbres conservés.
– Une telle étude aurait pourtant amené les promoteurs à réfléchir autrement à l’implantation des immeubles (et même à l’entièreté du projet) : en respectant le principe ERC de la Loi Biodiversité : Eviter, Réduire et Compenser tout impact environnemental. Eviter en est le premier objectif.
– Le 12 septembre, il a été annoncé que le chiffre des arbres à abattre sera ramené à 69. En effet, les nouveaux riverains de la rue des temps modernes ont su faire reculer un des futurs immeubles pour préserver leur intimité, sauvant ainsi 8 arbres. Deux autres arbres étant morts de leur belle mort, le compte arrive à 69.
Faudrait-il se contenter de cela ?
Nous sommes en coeur de métropole lilloise, à proximité de l’A25 , de la future LINO et de la rue du Maréchal Foch, axes routiers générateurs d’une importante pollution de l’air. Nous sommes au coeur d’une métropole très dense qui doit faire face à la multiplication des épisodes caniculaires comme à l’aggravation des risques d’inondation.
Dans ce contexte, la préservation d’un coeur arboré de 1 hectare transforme-t-elle l’abattage de ces 69 arbres adultes et sains en quantité négligeable ? Leur disparition est-elle vraiment peu de chose au regard de l’ensemble des bénéfices attendus par la réalisation de ce projet d’aménagement ? Faut-il vraiment arbitrer entre ces arbres d’une part et d’autre part, le maintien et la requalification des établissements scolaires associés à la création d’une offre de logements diversifiés sur Loos ?
A nos yeux, c’est bien cette opposition qu’il s’agit de dépasser :
– parce que les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés exigent de trouver des solutions nouvelles qui ne sacrifient pas l’enjeu écologique face aux autres enjeux,
– parce que la valeur écologique de ces 69 arbres n’est pas suffisamment reconnue et qu’elle est très grande,
– parce qu’il nous faut chercher collectivement comment encore améliorer ce projet, dans le respect de la complexité de ses contraintes.
Il se trouve que la lecture du livret pédagogique « l’arbre en milieu urbain, acteur du climat en Région Hauts-de- France » résonne particulièrement avec notre questionnement. Nous avons remis ce document, édité par la Région et l’Adème, à nos interlocuteurs lors de la réunion du 12 septembre. Ils en ont reconnu la grande valeur.
Nous reproduisons ici quelques extraits très parlants qui peuvent nous aider à imaginer des voies de sortie.
« L’arbre en milieu urbain, acteur du climat en Région Hauts-de-France »
• Le milieu urbain est surexposé à des risques naturels que le changement climatique va accentuer :
• les inondations,
• la canicule (il peut y avoir plus de 10° de différence entre le coeur urbain et les espaces ruraux).
• Les arbres sont générateurs de services écosystémiques atténuant le changement climatique et permettant de s’y adapter ;
➢ Les arbres raffraîchissent le climat par l’ombre et l’évapo-transpiration qu’ils produisent.
➢ Ils réduisent les émissions de gaz à effet de serre.
➢ Ils produisent de l’oxygène.
➢ Ils captent le carbone (par exemple un chêne pédonculé adulte représente 10 tonnes de CO2 au travers du carbone qu’il stocke dans sa production de bois).
➢ Ils filtrent les particules fines et absorbent les polluants.
➢ Ils retiennent les eaux de surface avec leur système racinaire, tamponnant ainsi l’évacuation des eaux pluviales.
➢ Enfin, les arbres sont des habitats naturels dont dépendent de nombreuses espèces animales (oiseaux, insectes, petits mamifères). Sous les arbres, la litière forestière produit un sol très riche et très utile aux chaînes alimentaires. Le bois mort propre à ces milieux (troncs et branches au sol) fait également partie du cycle de la vie. L’arbre est un atout majeur de la biodiversité urbaine (un chêne pédonculé adulte accueille 423 espèces d’insectes selon l’écologue de la Ville de Lille cité dans la brochure).
• Cette réalité est particulièrement renforcée en milieu urbain lorsqu’il y a groupement d’arbres matures en pleine terre (comme c’est le cas pour ces 69 arbres).
• Notons qu’en Région Hauts-de-France, les espaces boisés représentent 15% des surfaces, ce qui est le plus petit taux national. Et que si l’on se rapporte à l’échelle de l’ancienne Région Nord-Pas-de-Calais, ce taux ne représente plus que 7%, ce qui nous permet d’apprécier particulièrement la valeur de tous petits boisements et même de tout arbre adulte.
• Ce petit livret nous apprend également :
➢ qu’en épisode caniculaire, l’absence de refroidissement nocturne ne permet pas aux organismes de récupérer : déshydratation, coup de chaleur, problèmes respiratoires …
➢ qu’en 2050, la canicule de 2003 pourrait devenir la norme,
➢ que la présence d’arbres matures est un des moyens les plus efficaces pour réduire le phénomène d’îlots de chaleur urbain,
➢ que par ailleurs, les grandes agglomération srégionales sont déjà particulièrement sujettes aux inondations et que cette situation pourrait s’aggraver,
➢ que le feuillage et la tige des arbres retiennent jusqu’à 25% de l’eau qu’ils perçoivent,
➢ que les services rendus par l’arbre et les espaces boisés en ville représentent une véritable valeur économique et sociale (à New-York, chaque dollar investi dans un arbre génère 5,6 dollars de services écosystémiques utiles à la collectivité que ce soit par rapport à l’atténuation des îlots de chaleur urbains, à
la prévention des inondations, ou à l’améloration de la qualité de l’air pour la santé publique),
➢ qu’à ces immenses qualités, il faut également ajouter la valeur patrimoniale, paysagère, affective… que représentent les arbres pour les habitants des villes.
On le comprend, la valeur des 69 arbres adultes à abattre sur le Parc du lycée Saint-Vincent de Paul à Loos est importante. Elle ne peut être réduite à un dommage collatéral inévitable.
De plus à la lecture de ces informations, cette valeur est bien supérieure à celle des 109 jeunes arbres qu’il est prévu de planter pour les compenser (dont seulement 59 jeunes arbres de haut-jet, le reste en petits arbres et arbustes).
Quelles solutions est-il possible d’envisager collectivement pour que la valeur écologique ou écosystémique de ces arbres soit véritablement reconnue et donc correctement appréhendée ?
S’il a été possible de reculer un immeuble en sauvant 8 arbres pour ne pas déranger les voisins de la nouvelle rue des temps modernes, ne serait-il pas possible d’en faire autant pour les autres immeubles au bénéfice de la qualité de vie de l’ensemble des Loossoises et des Loossois ?
Nous comprenons que notre question devrait être ainsi reformulée : comment permettre aux porteurs de ce projet d’aménagement de redéfinir un nouvel équilibre financier qui intègrerait une préservation maximale de ces arbres ? Ou : comment faire face au surcoût engendré par une éventuelle nouvelle étude d’implantation des immeubles et les retards que cela engendrerait ?
Et nous demandons également, qui peut appuyer une telle démarche et sur quels motifs ?
Nos différentes recherches nous amènent à proposer quelques pistes de travail pour tenter de répondre à ces questions, pistes qui n’ont pas été explorées jusqu’à maintenant :
➢ la Région et l’Adème soutiennent les projets préservateurs de boisements urbains matures qui jouent un rôle d’atténuation de l’Ilot de Chaleur Urbain. Ils peuvent apporter un appui technique et financier pour permettre au projet de se redéfinir et d’implanter autrement ses immeubles. Plusieurs pistes existent : valorisation en filière bois locales, valorisation des économies en santé publique par rapport à la pollution de l’air ou aux épisodes caniculaires, valorisation des économies publiques relatives à la prévention des inondations…, autres modalités de valorisation des surfaces de plancher…
➢ avec des délais supplémentaires dont les surcoûts seraient pris en charge par la nouvelle définition du projet, il est possible de se donner le temps de travail nécessaire à la sauvegarde des 69 arbres.
La Mairie de Loos peut certainement appuyer de telles réflexions et la recherche de ces aides financières et de ces conseils techniques auprès de la Région et l’ADEME, comme auprès de la DREAL .
En termes de créativité, de mobilisation et d’intelligence collectives, ce sont des pistes de travail qui nous semblent adaptées à l’ensemble des contraintes évoquées et qui pourraient amener à la définition d’un projet particulièrement innovant et exemplaire, au bénéfice de l’ensemble des acteurs impliqués ainsi que des Loossois.
Surtout, ce projet pourrait servir de projet pilote pour la définition d’une véritable politique de l’arbre en ville à Loos :
– qui s’appliquerait ensuite au terrain que le Lycée cède à la Ville de Loos, mitoyen de la place Thiers, pour un projet d’espace public.
– qui protègerait l’ensemble des arbres matures de la commune, particulièrement sur la zone urbaine fortement arborée entre l’A25, la future LINO et la rue du Maréchal Foch. Cette zone constitue en effet un écran naturel face aux nuisances de ces axes routiers. Elle va sûrement faire l’objet d’une forte convoitise immobilière (comme le Parc Saint-Vincent) et doit être protégée de tels appétits dans le futur PLU2, mieux que ne l’a été le Parc Saint-Vincent.